samedi 1 février 2014

Joseph Béhé, constructeur du 9e art



Les hommes cohérents entre leurs discours et leurs actes sont une denrée précieuse. Ils semblent peut être encore plus difficiles à distinguer parmi les artistes où multiplicité flirte parfois avec posture. En sollicitant Joseph Béhé (scénariste, illustrateur et enseignant) dans le cadre du dossier « Auteur BD, drôle de métier », l’entretien et surtout le contenu de ses réponses allaient laisser entrevoir les contours d’un auteur de son siècle inscrit dans le réel, à l'image de la littérature qu'il défend dans ses créations mais aussi dans ses engagements.





Les plans : Il était une fois Joseph Griesmar


Joseph Béhé, né en 1962 en Alsace, débute sa carrière sous son état civil officiel Joseph Griesmar. Enfant il aime le dessin, mais peut être encore plus le cinéma qu’il fréquente avec assiduité à Strasbourg. Après des études à L'École des Arts Décoratifs de la capitale alsacienne, il officie avec application et sobriété dans des publications jeunesse où il fait ses armes et affirme un goût certain pour l’illustration. Mais dès ses débuts chez Larousse ou Milan, à partir de 1986, il lorgne déjà du côté des arts narratifs.

Non qu’il n’aime pas le plaisir solitaire de celui, qui penché sur sa table à dessin complémente un ouvrage romanesque ou didactique, mais il sait depuis quelques années déjà qu’il veut « raconter ». Et l’habit de l’illustrateur ne lui va qu’à moitié. L’autre « moitié » se présente sous le nom de Toff, jeune étudiant en science rencontré dès 1985. De l'effervescence de ce binôme va naitre une série de BD audacieuse de politique-fiction « Pêché Mortel ». Le projet séduit les éditions Dargaud qui l’éditent en 1989.

Les fondations : Ainsi naquit Joseph Béhé


Depuis cette date il signera sous le nom de Béhé, en hommage à un oncle maternel qui fut lui-même auteur de plusieurs ouvrages. Le fait de distinguer son travail d’illustrateur jeunesse de son travail d’auteur, loin d’une quelconque bipolarité névrotique, révèle un artiste qui avance sans masque. Cette dichotomie, à l'image de l'histoire de sa région natale, semble présider à nombre de ses choix d’écritures ou de collaborations.
Multiple, il le sera tout au long de la presque quarantaine de livres à son actif (tous statuts confondus). La mort, qu’il évoque à plusieurs reprises pendant l’entretien, vient éclairer ses choix de vie, mais aussi d’auteur. La mort interroge la vie, l’inertie alimente l’action et la création répond à l’anxiété. « Je suis nerveux quand je ne crée pas » dira-il, seul ressort au foisonnement d’une intensité qu’il sait fuyante.

La boite à outil : dessin, scénario et couleur


Lorsqu’il est au graphisme, il emporte l’adhésion du lecteur par son dessin réaliste, d’une sobriété classique, qui sait s’effacer pour accompagner subtilement la narration. Dépouillées et à la composition équilibrée, ses cases se lisent avec clarté. Son découpage met l’action à l’honneur, mais laisse toujours la place à des séquences entières qui permettent de naviguer entre poésie narrative et/ou instantanés d’ambiance. Les couleurs, quant il choisit de les assurer, sont à l’image de l’homme : parfois franches et souvent empreintes d’une chaude subtilité (L’ancêtre – le Décalogue – ChimèresT1 – Pêché mortel T1…).

Lorsqu’il est à l’écriture (Erminio le milanais - Le chant du pluvier - Double je..) il est un auteur du réel. Partant d’un thème qui le touche personnellement, il utilise la fiction tout en évitant l’écueil de "l'auto-fiction" devenu le fond de commerce de certains autres. Pourquoi ? Parce que même en racontant l’intime, il ne « se » raconte pas. Il fait, avec élégance, travail d’auteur et chuchote de véritables histoires à l'oreille du lecteur.

Mais alors qu'en est-il de son gout de la transmission ou encore de son sens de l'engagement ? En quoi fait-il partie, comme quelques autres, de ceux qui construisent la BD de demain ? Pour le savoir découvrez la suite de cet entretien-portrait ici.

En savoir plus sur l’auteur :

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire