mardi 22 mai 2012

Entretien avec Thierry Gloris, "scénariste-réalisateur" de BD

Le scénariste BD revient pour nous sur ses débuts et son parcours. Découvrez un auteur féru d'histoire, de langue française et orfèvre de l'art séquentiel !

Thierry Gloris, scénariste BD, dans son atelier
© Thierry Gloris
BD : Enfant, rêviez vous déjà de "faire" de la BD ?

TG : A l’origine, la BD était un rêve d’enfance inaccessible. A la maison, il n’y avait pas beaucoup de livres et j’ai passé mon adolescence à me construire une "Bédéthèque" avec les moyens du bord, c’est à dire des comics d’importation traduits que l’on trouvait en vente dans les bureaux de tabac. Mon rapport avec la BD franco-belge est essentiellement passé par Asterix, Tintin et Spirou ; les classiques indémodables. Travailler en tant que scénariste BD ou même scénariste « tout court » était quelque chose de
quasiment inimaginable vis à vis du milieu dont je suis issu.

Plus tard, durant ma période estudiantine (DEA d'histoire), je ne pensais qu’à m’amuser et passer mes examens de fin d’année. La BD, je suivais son évolution du coin de l’œil mais je n’avais pas vraiment de velléité de publication. J’étais un lecteur assidu mais lire était avant tout un plaisir, une récréation.

BD : Comment la BD s'est-elle imposée dans ce parcours ou rien ne semblait vous y prédestiner?

TG : Cela peut paraître assez bizarre ou original, mais j’ai pris ma décision de devenir scénariste de BD en 24 heures. Le jour de la naissance de ma fille, j’ai décidé d’arrêter de suivre "un long fleuve tranquille" et de prendre ma vie en main. J’étais encore étudiant, j’ai cherché un boulot alimentaire et je me suis mis à écrire. Il m’a fallu prêt de cinq ans pour que mon travail porte ses fruits. Ce ne fut ni facile, ni une partie de plaisir. Mais je ne regrette rien !

BD : Quel chemin avez vous parcouru avant que le 1er volume du "Codex Angélique" soit édité aux éditions Delcourt ?

TG : J’ai commencé, avec un ami qui faisait les Beaux-Arts, à "monter" des projets pour l’édition. J’ai progressivement rencontré de nouvelles personnes (professionnels, dessinateurs amateurs, éditeurs…) qui m’ont orienté, critiqué, et j’ai dû prendre mon bâton de pèlerin car le chemin allait être long avant de décrocher le saint Graal du premier contrat positif. Je peux relever durant ce périple, l’importance des avis et de l’amitié que j’ai pu nouer avec le scénariste Joël Callède. Ce dernier m’a été d’une grande aide dans mon chemin pour devenir un «auteur».

Une autre étape importante fut une rencontre qui allait m’ouvrir les portes du magazine BD "Spirou", celle avec Thierry Tinlot, alors rédacteur en chef du célèbre hebdomadaire. Des circonstances particulières ont fait que je n’ai pas pu être publié dans les pages du magazine, mais j’ai pu bénéficier pendant plusieurs mois de l’expérience de cette « vieille maison » et cela m’a été d’un très grand bénéfice. A partir de là, j’ai rencontré Thierry Joor de chez Delcourt qui m’a fait confiance (merci encore !) pour le "Codex Angélique" et tout s’est enchaîné. Un parcours de cinq ans avec son lot quotidien de doutes, d’angoisses, de remises en causes… et de passion !

BD : Justement en parlant de passions, comment votre passion de l’histoire et l’envie de « raconter des histoires » se complètent-elles ?

TG : Mon premier souci, quand j’écris est de faire une histoire “crédible”, dans le sens : capable d’entraîner mes lecteurs dans mes univers. Il m’a semblé donc utile de planter les décors de mes histoires dans un environnement que je “dominais”. Mes études me permettent d’avoir des compétences "acquises" sur la trame historique. C’est un avantage qu’il serait bête de ne pas utiliser ! De plus, en matière de documentation historique j’ai de quoi ! Un autre point hérité de mes études : la langue française. Elle est ma langue maternelle et j’aime l’utiliser dans toutes ses “colorations”, notamment l’argot.

BD : Comment vous êtes vous formé à l’art du scénario ?

TG : Je suis complètement autodidacte. Cela ne veut pas dire que tout m’est venu tout cuit dans la bouche. Je n’ai jamais reçu de formation, le chemin pour arriver à l’édition n’en a été que plus long. Je ne saurais que conseiller l’ouvrage d'Yves Lavandier, "La Dramaturgie" (éd. Le Clown et l’Enfant). Après, ce sont les rencontres, les lectures et le travail d’écriture qui ont fait le reste.

BD : Quelles sont vos sources d’inspirations ?

TG : Mes influences sont essentiellement littéraires, notamment les classiques français du XIXe siècle : Stendhal, Zola, Balzac et les écrivains feuilletonistes de l’époque : Sue, Leroux, Verne… Et bien sûr les deux grands de la littérature fantastique anglo-saxonne : Poe et Lovecraft. L’actualité est aussi une source inépuisable d’inspiration : l’évolution politique de la France, la vie de tous les jours, l’état du monde.

Côté BD, mon idéal d’auteur est René Goscinny, (Asterix) qui m’a fait rêver durant toute mon enfance. Plus proche de nous, j'admire le savoir faire d’un scénariste comme Serge Letendre, qui sait manier émotion et récit épique avec brio (lisez "La Gloire d’Hera" !). Je suis assez bluffé par l’efficacité des récits de Jean Van Hamme qui marie production grand public et qualité intrinsèque. Après, il y a plein d’autres personnes dont j’apprécie le travail comme mon ami et collègue Joël Callède…

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