mardi 22 mai 2012

Thierry Gloris, scénariste et croc'coeur de BD !

Thierry Gloris, dont l'actualité bouillonne en ce printemps (Aspic, Ainsi va la Vie), confie ici ses secrets de travail. Rencontre avec un pro de la BD...


Thierry Gloris © Scénariste BD
BD : Comment faites vous pour que l’aspect historique ne l'emporte pas sur la narration et devienne un ressort dynamique ?

TG : C’est essentiellement une question de dosage et de choix d’auteur. Au début, je me pose la question de savoir ce qui est pour moi dans le script que j’écris, le plus important. Si c’est le volet historique - comme sur Malgré-nous - je vais faire des "coupes" dans mes idées afin de ne pas trop parasiter le sujet principal. Si c’est l’aventure, l’humour ou le mystère, le cadre historique ne devient alors qu’un décor, un écrin pour porter mon histoire. Ceci dit, c’est ce "décor" qui va porter en grande partie la crédibilité du récit donc, il ne faut jamais le négliger. A mon sens, plus le récit
sera fantastique ou saugrenu plus il faut avoir des bases historiques solides.

BD : Quel est l’aspect de votre travail qui vous prend le plus de temps ?

TG : Tout me prend du temps ! Trouver des idées à développer est une hygiène de vie. Il n’y a pas un instant où je ne prends pas des notes même inconsciemment. La recherche documentaire est un présupposé et elle est la partie la plus réglable. La partie qui peut me poser plus de problème est le découpage proprement dit : le choix des plans, des acteurs, des circonstances, des interactions, des dialogues… Comme je suis un éternel insatisfait, je peux recommencer une séquence deux, trois, voir quatre fois avant qu’elle ne me satisfasse.

BD : Quand vous démarrez l'écriture d'un scénario avez vous déjà la fin du récit en tête ?


TG : Je cherche avant tout à savoir de quoi je veux parler. Cela peut paraître bizarre, mais une envie de traiter de la seconde guerre mondiale, peut en fait cacher une envie de travailler sur ses propres racines familiales. J’essaie de bien identifier ce qui me pousse à vouloir développer une idée de scénario. Une fois que cela est fait, que je ne me mens pas à moi-même, même de façon inconsciente… Je fonce ! Tout se met alors en place et la fin arrive quand elle doit arriver.

BD : Comment décomposez vous votre travail d'écriture ?

TG : La première étape est « l’envie » : j’écris brièvement de quoi je veux parler. Une fois que je suis sûr que la thématique que je vais aborder me touche et que j’aurai des choses à raconter dessus, je réfléchis à un canevas de travail et à l’époque que je vais choisir. Il est important à mon sens que l’époque du récit rentre en résonance avec la thématique choisie. Quoi de mieux que le XIXe siècle pour traiter de romantisme ou de mort ? Vient ensuite la phase du synopsis qui donne la substantifique moelle du récit, puis, le découpage scène par scène, puis l’écriture page à page.
BD : Vos scénarios sont ils écrits ou griffonnez-vous un véritable story board à l’intention du dessinateur ?

TG : La plupart du temps, mes pages sont "crobardées" afin de pouvoir en avoir une vision "juste". Mais je ne transmets que très rarement ces indications de plans. Je les garde pour moi. Ainsi quand le dessinateur revient avec le "story board" et qu’il y a des soucis de cadrages, je peux lui faire des propositions rapidement sans pour autant, au préalable, l’avoir enfermé dans ma vision.

BD : Laissez-vous les dessinateurs libres de vous surprendre ?

TG : Je choisis les lieux, les personnages, l’action… Je fais un vrai travail de scénariste-réalisateur. En revanche, je laisse une grande liberté d’interprétation à mes collaborateurs. Chacun a le "devoir" de mettre sa touche à l’édifice. Un personnage n’a pas vraiment besoin d’être très défini visuellement. Pour un scénariste ce qui est important, c’est ce qu’il est intérieurement. L’apparence extérieure est souvent laissée au dessinateur. Je ne suis pas dessinateur et je ne critique ni un choix graphique, ni une planche ré-arrangée du moment que le propos de fond n’est pas bouleversé.

BD : Quel est la rencontre la plus marquante de votre carrière ?

TG : La rencontre avec Joël Callède qui est devenu depuis un ami. En quelques mots simples et indications pertinentes, il m’a mis face aux enjeux et à la réalité de mon travail. Le chemin se fait seul, mais il est parfois bon que quelqu’un vous donne une bonne direction.

BD : Quels conseils donneriez vous à un jeune qui voudrait se lancer dans le métier de scénariste ?

TG : Courage et Ténacité.

BD : Quelle place pour la vie privée ?

TG : Auteur est un "métier" qui demande beaucoup de sacrifices et de travail. J’ai toujours séparé ma vie professionnelle et personnelle. J’ai une famille "nombreuse" et j’essaie de lui faire partager le moins possible le stress de ma profession. Ceci dit, les enfants voient bien que si papa peut les garder à la maison en cas de mauvaise grippe, il est au travail tous les soirs jusqu’à 1 ou 2 heures du matin. C’est une vie particulière...
BD : Sur quel projet travaillez-vous en ce moment et quelles sont les nouveautés à venir ?

TG : Je travaille actuellement sur un récit de fantaisie pour les éditions Delcourt nommé : "Meridia" dont le tome 1 devrait sortir début 2011. Mais, à l'instant où je vous réponds, je suis sur la page 12 du tome 2 de "ASPIC, détectives de l’étrange" dont le tome 1 vient de sortir le 24 mars 2010 ! Question nouveautés : vous trouverez Aspic T1, et je conseille à tous les trentenaires et quadra de jeter un œil sur "Ainsi va la vie" (sorti le 1er avril), un récit chorale qui met en scène notre folle jeunesse.

BD : Si vous deviez recommander trois titres de BD à un néophyte ?

TG : "La Gloire d’Héra" de Letendre et Rossi, (Casterman), "Le grand pouvoir du Schninkel" de Van Hamme et Rosinski, (Casterman) et "Asterix en Corse" de Goscinny et Uderzo, (Albert-René) bien sur !

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