Joann Sfar, de la bande dessinée au cinéma

Focus sur l'oeuvre de Joann Sfar, réalisateur et scénariste du très médiatique "Gainsbourg, vie héroïque". Découvrez ou redécouvrez cet auteur de BD à qui tout réussi.

Klezmer - Joann Sfar
©  Gallimard

Grand, brun, l'œil sombre, la voix posée des hommes qui aiment manier le mot dans sa douceur comme dans sa truculence, Joann Sfar avec sa chemise noire et son sourire solaire ne ressemble pas à l'idée que le commun des lecteurs se fait d'un auteur de bande dessinée. Loin du cliché du baba cool aux cheveux huileux ou du timide introverti caché derrière un pull de laine informe, Joann, lui, à l'allure d'un homme de son temps.

Qu'est ce qui peut faire peur à Sfar ?

Le 2 décembre 2009, Joann Sfar disait sur son site officiel avoir "la trouille" ! Mais de quoi peut bien avoir peur un homme à qui tout réussi ? La réponse s'affichait le 20 janvier 2010 sur les écrans de France : "Gainsbourg, vie héroïque" premier film dont il assure scénario et réalisation.

Sfar, scénariste, illustrateur et coloriste est effectivement un nouveau genre d'auteur boulimique, pressé, inspiré, philosophe, tendre et potache. Depuis 1994 il est devenu un membre qui compte parmi le sérail de la BD contemporaine. L'auteur, accessible aussi bien pour les enfants ("Le petit vampire") , le lecteur avide de parodies décalées ("Donjon"), mais aussi l'amateur averti ("Carnets de Joann Sfar"), est à l'image de la nouvelle bande dessinée : plus populaire, plus productive se voulant plus universelle.

 

Premier croquis sous le soleil de Nice

 

Joann Sfar, né le 28 août 1971 à Nice, perd sa mère alors qu'il est âgé de trois ans seulement. Son père, avocat, lui propose tennis et cours d'hébreu, mais Joann préfère le crayon et le papier. Il dessine avec passion. Il expliquera en 2003 : "Le dessin, c'est une observation sans le filtre trompeur des mots" dans son Carnet "Ukulélé".

 Quelques années plus tard, fort d'une maîtrise de philosophie, il suit des cours de morphologie à l'Ecole Nationale des Beaux Arts de Paris. A 23 ans, il entre à "L'Association" pour collaborer activement à la revue "Lapin". 1994, il vient de mettre un pied dans la BD, le deuxième suivra dans la foulée. 

Joann Sfar, quand la BD se fait conte philosophique

La même année parait le premier tome des "Aventures d'Ossour Hyrsidoux" chez Cornélius. Depuis cette date il n'arrêtera plus de produire. De ses inspirations d'écriture nul besoin de gratter pour s'apercevoir que ce garçon n'a pas une maîtrise de philosophie pour la garder dans sa poche.

 Son trait spontané et hésitant à la fois, il le revendique comme un héritage de Sempé, Hugo Pratt ou encore Quentin Blake. A ce sujet, il confie en novembre 2005 lors d'un entretien pour le Monde "...je ne suis pas là pour qu'on me dise que je dessine bien. Je me sens d'ailleurs plus concerné par des considérations de metteur en scène ou d'acteur que de peintre".

5 Oeuvres clefs pour découvrir Joann Sfar (plus de 120 livres à son actif à ce jour) :

• "Les Carnets de Joann Sfar" (Dessins, scénario, couleur : J. Sfar - série débutée en 2002 - L'Association puis Delcourt). Cette série de romans graphiques flirtent volontiers avec l'autobiographie et laisse entrevoir les obsessions et les réflexions philosophiques de l'artiste sur la vie et sur l'art avec une liberté assumée et un humour au vitriol.
• "Le Chat du Rabin" - ( Scénario et dessin : J. Sfar - Couleur : Brigitte Findakly - série débutée en 2002 - Dargaud). Cette fable aux accents mystiques sur fond d'orient, met en scène un chat doué de parole et son maître rabbin. Sfar y aborde les thèmes qui lui sont chers : religion, amitié, vérité, faux semblants, amour et absurdité.
• "La fille du professeur" - (Scénario : J. Sfar - Dessin et couleur : E. Guibert - One shot - 1997 - Dupuis - Prix René Goscinny à Angoulème 1998). Album délicieusement drôle qui raconte le récit d'un amour étrange et "so british" entre une jeune fille et une momie sur fond d'Angleterre victorienne.
• "Les olives noires" - (Scénario : J. Sfar - Dessin : E. Guibert - Couleur : Walter - série débutée en 2005 - Gallimard). L'histoire ici nous entraîne en Judée à la rencontre d'un jeune juif lancé à la recherche de son père injustement emprisonné.
• "Les klezmers" - (Scénario, dessin et couleur : J.Sfar - série débutée en 2005 - Gallimard). Ce conte poétique et décalé, nous invite en Europe de l'est pour nous faire suivre les aventures d'un klezmer band vivant de jazz-manouche dans l'Ukraine du début du 20ème siècle.

Sfar, en toute liberté !

Joann Sfar, refusant tous les communautarismes mais lassé des polémiques, laisse ses détracteurs lui reprocher pèle-mêle : de s'ériger en porte-parole de la cause juive, l'étalage de ses introspections, son dilettantisme...

N'écoutant pas l'écho de la curée au loin, cet homme orchestre est dans le "faire". Directeur de la collection jeunesse "Bayou" pour Gallimard depuis 2005 et réalisateur de cinéma depuis peu, il semble bien être comme son dessin : impétueux et incontrôlé. En un mot : il est libre.

A découvrir : Son site officiel

Plus de séries de Sfar : "Donjon", "Le petit vampire", "Professeur Bell", "Merlin", "Pascin"

Plus de "one shot" de Sfar : "Le Petit Prince", "Le Borgne Gauchet", "Paris Londres"