mercredi 6 juin 2012

Jacques Lamontagne, la BD francophone de talent venue du Canada

A l'occasion de la sortie d' "Aspic, Détectives de l'étrange", entretien avec l'illustrateur Jacques Lamontagne. Talent du 9e art "made in" Québec. (1/2)


Jacques Lamontagne © Auteur Québécois de BD
Entretien avec l'auteur Québécois de bande dessinée Jacques Lamontagne (1ère partie)

A quel avenir rêviez-vous enfant dans l’école tenue par des religieuses ? Le dessin semblait-il une voie toute tracée pour vous à l’époque ?

J.L : L’enseignement donné par les religieuses n’aura été que durant mes deux premières années à l’école. Il était encore tôt pour me projeter dans l’avenir, mais je voyais déjà le dessin comme une activité fort divertissante. Ce n’est qu’un peu plus tard

, soit un peu avant l’adolescence, que j’ai vu dans mes aptitudes au dessin, un moyen de gagner ma vie.

Avant de devenir auteur de BD vous avez travaillé plusieurs années comme directeur artistique et illustrateur pigiste. Que vous manquait-il dans ces postes, pour que vous vous orientiez définitivement vers la BD en 2004 (votre talent avait déjà été distingué deux fois par le prix Boréal) ?

J.L : En fait, le plaisir de dessiner était comblé par mon travail d’illustrateur pigiste. De plus, même si la BD me tentait énormément, il aurait été périlleux, voire impossible de gagner décemment ma vie avec cette dernière. Au début des années 80, il n’existait que deux magazines d’humour au Québec qui permettaient de voir ses planches publiées. Je dis magazine d’humour parce que le peu de tentatives qu’il y a eu de créer un magazine dédié uniquement à la BD n’a jamais, ou rarement dépassé le nombre de 3 numéros. J’ai malgré cela gardé un lien avec la BD en collaborant occasionnellement avec ces magazines. J’ai donc opté pour la sécurité en travaillant toutes ces années en publicité. Depuis, il existe ici quelques maisons d’éditions publiant de la BD, mais il demeure toutefois difficile pour leurs auteurs de vivre uniquement de leurs albums. Ce ne sera qu’avec la venue d’internet que j’ai réalisé qu’il me serait peut-être possible de voir mon travail édité en Europe. Ça facilitait grandement la communication entre les deux continents. J’aurais sans doute pu proposer mon travail aux USA, mais le monde du comics m’est moins familier et m’attire moins.

Est-ce vos collaborations pour les magazines québécois Délire ("Etienne et Le prof redingote") et Safarire ("Bertrand le rêveur") qui vous ont donné envie de vous consacrer la BD ?

J.L : En fait, elles ont confirmé le grand plaisir que me procurait cet art. Ce sont surtout les Contes d’outre-tombe qui m’auront servit de banc d’essai à différentes techniques graphiques afin d’affiner mon travail pour le 9e art. De plus, cela coïncidait avec l’arrivée d’internet. J’ai réalisé du coup toutes les possibilités que cette nouvelle façon de communiquer m’offrait.

Comment votre talent a-t-il franchit l’atlantique pour donner vie à la Série des « Druides » (Ed Soleil) ?

J.L : Comme je le disais précédemment, internet m’a permis de déborder des frontières du Québec. J’ai commencé à poster de mes dessins sur des forums. J’ai également monté un projet de série avec Bryan Perro, un romancier Québécois de grand talent. Le projet a été retenu par 3 maisons d’édition. Nous étions dans la ronde des négociations (qui s’étiraient il faut bien l’avouer) lorsque j'ai reçu un appel téléphonique des Editions Soleil. Ils avaient remarqué mon travail sur le web. Après quelques essais rapides, on m’offrait d'illustrer la série "Les Druides". Ça marquait le départ de mon aventure en BD.

Pourquoi avez-vous choisi de vous lancer dans l’aventure "d’Aspic, Détectives de l'étrange" ? Connaissiez-vous déjà l’univers du scénariste français Thierry Gloris ?

J.L : Tout d’abord, il faut expliquer que
Thierry Gloris et moi nous nous connaissions depuis plusieurs années. En fait, notre première rencontre virtuelle remonte à l’époque du forum Bedeka. Nous avions à cette période commencé un travail de collaboration qui n’a finalement pas abouti. Mais nous nous étions dit que l’on s'y reprendrait un jour. Aspic était tout indiqué pour moi. Adolescent, j’ai lu énormément de romans et nouvelles de 19e, autant du récit d’enquête que du fantastique. Ce sont deux genres que j’affectionne particulièrement. Pour ce qui est de Paris, la ville est parfaite pour tenir lieu de décor à ce type d’histoire. Donc, lorsque l’on a évoqué à nouveau la possibilité d’une collaboration et que Thierry m’a parlé d’Aspic, il n’y a eu aucune hésitation.

Vous assurez pour ce dyptique le dessin et couleur (comme pour Les Druides), ce choix est-il un parti pris ? Imaginez-vous un jour dissocier dessin et couleur ?

J.L : Comme pour les Druides, les planches d’Aspic sont dénuées d’encrage. Le trait est réalisé au crayon. Ça me permet d’obtenir un trait un peu plus libre. Par contre, ça m’oblige également à avoir une colorisation très présente afin de soutenir ce trait. L’encrage est moins capricieux avec les couleurs et peut se permettre une colorisation moins soutenue. Pour l’instant, je ne vois pas de possibilité de confier à quelqu’un les couleurs… Je serais sans doute fort exigeant. Par contre, si je me lance un jour dans un encrage traditionnel, j’aimerais bien les confier à un assistant.

Donner vie à cet univers vous a demandé une recherche documentaire particulière, comme vous l’expliquez par ailleurs. Cela a-t-il été l’occasion pour vous de faire des propositions pour mieux rendre le climat du scénario de T. Gloris ?

J.L : Je ne suis pas le type de dessinateur qui va mettre son nez dans le scénario. Il m’est toutefois arrivé de faire quelques propositions à Thierry, ou encore de faire remarquer un petit problème de raccord. Mais sinon, j’ai suffisamment à faire avec le dessin sans vouloir m’immiscer dans le scénario. Il est certain que quand vient le temps de créer les personnages et décors, là, mon apport est très important. Aussi, j’aime donner certains tics aux personnages qui viennent soutenir leur caractère. Quant à la documentation, j’ai effectivement amassé énormément de bouquin traitant du Paris du 19e. Charles Marville et Eugène Atget sont mes principaux pourvoyeurs d’images. Ce sont deux photographes qui ont parcouru Paris avant et pendant les grands travaux d’Hausmann et qui ont réalisé des centaines de clichés.

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Suite et fin de l'entretien avec Jacques Lamontagne ici

Parution intiale de l'interview : le 6 juin 2010

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