lundi 28 mai 2012

Frank Frazetta, mort d'un génie de la BD et de l'illustration SF

Death Dealer - © Frank Frazetta

L'illustrateur de "Conan Le Barbare" s'est éteint le 10 mai 2010 à 82 ans. Retour sur une oeuvre qui influença aussi bien la bande dessiné que le cinéma...


Le maître de la SF et de l'Héroïc fantasy a succombé, le 10 mai 2010 en Floride où il résidait, aux suites d'une attaque. Il laisse derrière lui une des oeuvres les plus prolifiques et les plus estimées. Né le 9 février 1928 à Brooklyn, Frank Frazetta reste un modèle et un pionnier dans le monde de l'illustration en général et de la bande dessinée en particulier.

Quel fut exactement son parcours ? Et en quoi son oeuvre rayonne-t-elle aujourd'hui de l'illustration au cinéma ?



Franck Frazetta : des débuts sous le signe du comic-book

C'est très tôt que Frank affirme un goût inné pour le dessin. Inscrit à l'âge de 8 ans à la " Brooklyn Academy of Fine Arts " il étudie durant huit années aux côtés de Michael Falanga. Son professeur, convaincu du talent de son élève souhaite l'envoyer parfaire sa technique en Italie, mais il meurt en 1944, avant de pouvoir mettre son projet à exécution.

C'est donc dès l'âge de seize ans que Frank se trouve obligé de travailler. Les années 1940, qui voient naître le comic-book américain, ouvre une voie toute tracée pour le jeune artiste. Il décide de se tourner vers la bande dessinée et trouve sa première place en 1944. Mais alors qu'il n'est officiellement que l'aide de l'illustrateur John Giunta, il apprend les bases de l'art séquentiel et publie, dès la fin de cette première année, sa propre bande dessinée : "Snowman".

La naissance d'un mythe : les années EC Comics

Les années suivantes, il travaille avec plus de sept maisons d'édition (Prize, Fiction House, Anon, Standard, Fawcett et EC Comics), il multiplie les comics et touche à tous les styles. Il s'adapte aux demandes du marché de l'époque et on voit naître sous sa plume des héros de western, de romances ou d'héroïc très populaires. Il réalise "Thunga of the Congo" (sur un scénario de Gardner Fox) pour Fawcett, "Shinning Knight" pour les éditions DC, il met en case les textes d'Al Williamson consacrés à l'acteur John Wayne, et c'est en 1951, que paraît sa première grande série "White Indian".

Cependant c'est un comics animalier, "Fritz" (son surnom dans la vie) qui le fait remarquer de la célèbre maison Disney. Frazetta déclinera l'offre, préférant rejoindre EC Comics. C'est au sein de cette troupe d'auteurs et d'illustrateurs, qu'il dévoilera de manière plus singulière son goût pour des univers plus sombres. "Buck Rogers" ou encore "Fammous Funnies", pour lesquels il réalise des couvertures dans le style Science Fiction et horreur, sont à leur manière les prémisses de ce qui fera sa marque de fabrique. Cependant, il n'abandonne pas le comic-book, et collabore même pour des parutions très en vue : "Flash Gordon" (Dan Barry) et "Lil Abner" (Al Capp).

Frazetta : le talent au service du fantastique, de la Science Fiction et de l'héroïc fantasy

Mais c'est son travail d'illustrateur qui va démarquer définitivement Frank Frazetta dans l'Amérique des années 1960. Initiant un style proprement esthétisant, il crée pour des livres à gros tirage, destinés à une lecture populaire, des illustrations d'une qualité rarement atteinte dans ce milieu. Traitant chacune de ses créations comme des oeuvres à part entière, il travaille sur toile à la peinture à l'huile, à la manière des grands maîtres européens. Ses techniques et traitements raffinés s'opposent à l'iconographie barbare et dantesque de ses compositions pour donner naissance à un style reconnaissable entre tous.

Aimer Frazetta, c'est avant tout aimer l'outrance de la force toute puissante, la féminité exacerbée, l'énergie reptilienne des premières heures barbares, mais c'est aussi entendre le bruit d'un casque, d'un glaive, des sabots d'un destrier ou d'une hydre galopant dans la nuit... Mariant dans son bestiaire sauvage les inspirations de toutes les mythologies (grecque, romaine, celte, etc.), celui qui aimait à dire qu'il avait "appris l'anatomie en une seule nuit", construit un univers empreint de sensualité et de lyrisme.

De Conan le Barbare en passant par Vampirella : Frazetta The Death Dealer !

C'est cette puissance, alliée à une technique irréprochable, qui font le succès de ses créations les plus célèbres : "Conan le Barbare" (Robert E. Howard), "Vampirella" ( Forrest J. Akermann ), "Buck Rogers" (Philip Francis Nowlan ), "Death Dealer" (personnage créé par Frazetta à qui James Silke donnera vie dans 4 romans).

Son talent "d'iconographe" sera reconnu bien en dehors du cercle de la Fantasy et de la SF. Il réalisera des affiches de cinéma et participera à la création d'un film d'animation. Mais la reconnaissance ultime (et rare dans le milieu de l'illustration) viendra lors de la vente de la peinture originale de la première édition de "Conan le Conquérant" (Ed.Lancer - 1967), qui atteindra la somme d'un million de dollars.

L'empreinte du maître...

Frank Frazetta qui aura consacré un (presque) siècle à l'illustration, laisse une empreinte indélébile dans le monde de la BD et de l'illustration de science fiction et de fantasy. Sa "signature" fera école, et de nombreux artistes tels que Dave Stevens, Bernie Wrightson, Alex Ross, Frank Cho ou encore Olivier Vatine reconnaissent s'inspirer de cet illustrateur charismatique et perfectionniste. Mais son influence laissera autant de traces dans le cinéma contemporain (Guillermo Del Toro, John Milius, etc) que dans le design de nombreux jeux vidéo qui empruntent au maître les codes du style Fantasy. Un style qu'il aura contribué à sa manière à définir et à nourrir tout au long de son oeuvre.

Malgré
les affaires familiales houleuses qui ont fait la une des journaux à scandales en 2009, Frazetta qui avait déjà subi plusieurs attaques le laissant partiellement invalide, apprenait encore aux dernières heures de sa vie à peindre de la main gauche. Gageons que cet homme, remarquable d'énergie, aura incarné lui-même, dans cette ultime volonté de ne pas lâcher le pinceau, les héros (presque) invincibles qu'il a si bien su peindre...

En savoir plus :

Retrouvez
ici la bibliographie complète de l'artiste

Et ici
une biographie traduite du site officiel de Frank Frazetta

Parution initiale de l'article : le 12 mai 2010

4 commentaires:

  1. Petit message à un pirate : les commentaires sont ouverts ! ;)

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  2. Merci BD !
    Voilà : J'adore Frazetta, ses peintures sont exceptionnelles et ses univers ont fait rêver des millions de gens...Bravo Frank !
    Et à toi pour un article très complet !
    Une remarque sur son travail, signe de quelques grands que j'ai remarqué parfois :
    Il dessine souvent des personnages de dos, trois quart, pas très spectaculaire mais invitant le spectateur à entrer dans son univers !
    Non ?

    Besos ♥
    Jack

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  3. Oui c'est incontestablement le signe des grands. Il n'aimait pas faire ses compositions sur les "évidences". En plus de maîtriser ses techniques de peintures, il avait un vrai parti pris de conteur dans chacune de ses créations. Pour ma part j'avoue que même de face et dans des postures plus académiques, j'ai une vraie admiration pour ses sujets.
    En cherchant bien, même chez les grands maîtres classiques, on ne trouve pas d'équivalent. Il a su, à mon goût, fondre toutes les mythologies occidentales entre elles (en lorgnant parfois vers les imageries tribales) pour créer une oeuvre universelle. Enfin, laissons au temps le temps de décider si son oeuvre est aussi universel que je le crois.
    Bise le Pirate :)

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