dimanche 3 juin 2012

Petite histoire de la BD, du 19e siècle à nos jours

Lire le début de l'article ici : Petite histoire de la BD : de l'antiquité au 19e siècle

Leader du marché de l'édition aujourd'hui, la bande dessinée a connu au cours du 20e siècle une émergence fulgurante mais houleuse. Résumé des dates clefs..

Becassine - Paru dans La Semaine de Suzette
Languereau et Pinchon

Ce n’est véritablement qu’au tout début du 20ème siècle que la bande dessinée commence à affirmer des contours plus nets. A partir de 1905, les aventures de "Bécassine" (de Languereau et Pinchon) paraissent dans le magazine "La Semaine de Suzette". La même année, le Herald Tribune fait découvrir à ses lecteurs américains "Little Nemo in Slumberland" de Winsor Mc Kay.

1920 – 1950 : la naissance d'un art populaire

Dès 1929, les "Aventures de Tintin" paraissent, dans le supplément périodique destiné aux enfants, du journal belge Le Vingtième Siècle. George Rémi (Hergé), reprend le style de la Ligne Claire, déjà annoncé par les œuvres d’un autre artiste (Alain Saint-Ogan, auteur de "La famille Illico" et de "Zig et Puce"). Mais il ajoute à ce style l'art du dépouillement du récit ainsi qu’un sens aigu de l’ellipse, apportant un dynamisme remarquable à ses récits. Il est le premier auteur européen à s’inspirer de la littérature classique et à faire un véritable travail de recherche documentaire.

Durant les années 1930 à 1950 de nombreux magazines destinés à la jeunesse font leur apparition et deviennent les supports de la bande dessinée. On peut citer entre autre : "le Journal de Mickey", "Pilote", "le Journal de Spirou", "Vaillant" qui s’appellera en 1969 "Pif Gadget". Aux Etats-Unis les comics strip se multiplient dans les journaux ("Peanuts" de Schulz, "Calvin et Hobbes" de Watterson, etc) et les "Comics books" mettant en scène des supers héros (Superman, Batman, le Fantôme, etc) font recette. Dans le même temps, la BD franco-belge s’affirme plus classique dans ses thèmes et son traitement ("Tintin" de Hergé,
"Astérix" de Goscinny , "Achille Talon" de Greg, "Luky Luke" de Morris, "Alix" de Jacques Martin …).

1950 – 1990 : Les années de la maturation du 9e art

Mais la bande dessinée inquiète et une
loi du 16 juillet 1946 , exerce une véritable censure contre les "publications de toute nature pouvant représenter un danger pour la jeunesse" (toujours en vigueur). Les éditeurs auto-censure leurs auteurs et procèdent à des coupes, parfois surprenantes, allant du simple recadrage (pour occulter un élément) à la retouche entière de certaines cases . Mais malgré ce contexte, la BD stimulée par ces contraintes, se prépare à prendre son véritable envol commercial.

Les séries parues dans les périodiques sont, grâce à leur succès, éditées en albums et connaissent une vraie explosion des ventes dans les années 1970-1980. Cette date est aussi celle de la fin des magazines jeunesse qui auront fait la popularité de la bande dessinée. D’autres magazines s’adressant cette fois aux adultes (Hara Kiri, Métal hurlant, Fluide glacial,…) prennent la relève, avec un peu moins de succès. Peinant à sortir de ses clichés, la bande dessinée devra attendre encore quelques décennies pour être perçue comme une forme littéraire à part entière.

Ce virage s'amorce discrètement dans les années 80. C'est en plein milieu des années "chic et fric" que la BD atteint une maturité nouvelle sous la forme du roman graphique. Mêlant créativité picturale et narrative, ce nouveau genre confirme avec talent le désir de la BD d'élargir un lectorat, hier addict à ses magazines pour enfants, aujourd'hui devenu adulte. Les auteurs qui illustrent ce renouveau, sont maintenant considérés comme des classiques : l’Américain Wil Eisner pour "Un bail avec Dieu", l'Italien Hugo Pratt pour "la Ballade de la mer salée", le Français Tardi pour "Ici même", (pour ne citer qu'eux)…

Les années 1990 voient arriver réussite commerciale, notoriété et maturité, cependant la BD reste tenue à distance par les professionnels de la littérature et des médias. Mais les lecteurs se chargent de sa "publicité" et les ventes records se multiplient. Les séries "Lanfeust de Troy", "Largo Winch", "Blake et Mortimer" ou encore "Titeuf" se vendent à près de 500 000 exemplaires par titre, chiffres difficilement atteints par les autres secteurs éditoriaux.

1990 -2010 : les années de la consécration ?

Alors que la première moitié du 20ème siècle a été pour la BD le temps de la naissance et la 2nd moitié celle de
la reconnaissance par ses lecteurs, le 21e siècle se profile, comme le temps de la légitimation. Même s'il lui reste à régler de nombreux débats (le statut du coloriste, l'arrivée du modèle des studios interpellant sur le "droit de la propriété intellectuelle") et à gérer la révolution du numérique (droits des auteurs, place du libraire, piratage, création d'une plateforme unique de distribution numérique pour contrer le géant Google, harmonisation entre contenus et supports), la BD interroge car elle est vivante.

Longtemps boudée par les autres acteurs de la vie artistique elle attire, aujourd'hui, vers elle les arts académiques : le cinéma s'appuient sur ses best seller pour remplir les salles obscures ("Astérix" de Goscinny et Uderzo, "Les Beaux Gosses" de Satouff, "Largo Winch" de Van Hamme et bien d'autres encore), la littérature classique se contorsionne pour rentrer dans des cases qu'elle a longtemps "snobé", le théâtre met en scène des personnages de BD ("Les Bidochons" de Binet sur les scènes parisiennes). Quant ce n'est pas plus prosaïquement la publicité qui fait appelle à elle, ayant saisi toute la force d'un médium capable de se placer si facilement entre "affect populaire" et efficacité de l'image.

Au final, depuis plus d’une centaine d’années, la BD qui se distinguait selon les points géographiques où elle était fabriquée, n’a de cesse aujourd'hui de brouiller les pistes. Le Manga, le Franco-Belge et le Comics se rapprochent pour se nourrir de leurs différences. Des formes hybrides apparaissent (le Manfra associant Manga et Franco-Belge), les révolutions numériques guettent aux portes de la création et des circuits de diffusion et ses auteurs comptent de plus en plus de femmes.

Signe des temps ou preuve d'un insolent opportunisme ? La bande dessinée ne répond pas à cette question, en art polymorphe par excellence, elle précède, avec grâce, le mouvement qui la fait vivre...

Lire aussi :
La censure dans la BD, de 1950 à 1960 de Daniel Lesueur sur Suite101.fr

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