mercredi 13 juin 2012

Un Monde de Bulles: dans les coulisses de l'émission 100% BD (1/2)

Depuis 6 ans, Jean-Philippe Lefèvre vous ouvre les portes des ateliers de la BD. Entretien avec celui qui a su imposer le 9e art sur la chaîne Public Sénat


Un monde de Bulles - Jean Philippe Lefèvre
Thierry Sauvage pour Public Sénat ©
Revenons sur vos débuts, si vous le voulez bien. Après avoir été journaliste et reporter d'image, pourquoi avoir opté pour "Public Sénat" ? Le défi d’une chaîne où tout était encore à faire en terme de visibilité et de  programme a-t-il motivé ce choix ?

J-Ph.L : J’ai choisi cette chaîne car on me l’a proposé et que Public Sénat n’existait pas encore. J’ai donc participé en tant que jeune journaliste à la création d’une chaîne, c’est un pari et une expérience rare, d’autant plus lorsqu’on voit le chemin parcouru par Public Sénat. Dans ce métier, ce qui importe c’est l’envie, quelque soit les défis proposés il faut y aller pour construire son parcours, Public Sénat est

mon chemin depuis dix ans et c’est une formidable aventure.

Lorsqu'en 2004 Jean-Pierre Elkkabach, alors président de la chaîne, vous demande de faire des propositions pour enrichir la grille des programmes de Public Sénat, pourquoi avoir pensé à la bande dessinée ? Il existait pourtant déjà sur la chaîne une émission littéraire Bibliothèque Médicis dans laquelle la BD aurait pu s’inscrire...

J-Ph.L : Jean-Pierre Elkabbach n’a qu’un défaut, il ne connaît rien à la bande-dessinée. Bref, moi le passionné depuis l’enfance, je ne pouvais pas passer à coté d’une idée aussi farfelue. Il fallait oser, le ridicule ne tue pas, surtout lorsque vous travaillez sur une chaîne qui cherche à se développer et à grandir. La BD comme le théâtre, le cinéma ou l’art tout court, s’imposait comme une évidence. La politique française au niveau culturel est l’une des plus intelligentes du monde, la politique et l’art font donc souvent bon ménage, alors oui il faut de la culture sur Public sénat, Jean-pierre Elakabbach s’occupe des livres mais aussi de l’opéra, de l’illustration, de la peinture sur certaines spéciales. Moi, j’ai la bande-dessinée.

En avril 2005, après le succès d’une émission 100% BD, Jean-Pierre Elkkabach vous confie la présentation d’un format bi-mensuel de 15 mn. N’ayant pas de modèle dans le genre, comment avez-vous construit, avec votre complice Cyril Zhâh, le contenu et la ligne éditoriale de votre « Monde de Bulles » ?

J-Ph.L : Comme je l’ai dit plus haut, la clef de contact du moteur de mon existence c’est l’envie. Si Jean-pierre Elkabbach m’avait demandé de déplacer une montagne je l’aurai fait, c’est sans doute un défaut mais c’est comme ça. Il y a peu de repères dans une existence. Pour l’émission, c’était un cadeau inespéré, donc nous y sommes allés avec beaucoup d’innocence et une énergie immense. En ce qui concerne la construction de l’émission, je l’ai construite comme un melting pot de toutes les influences de ma vie d’enfant et d’adulte, l’important pour moi était de donner envie aux téléspectateurs.

Vous dites ne pas être un "spécialiste" de bande dessinée. Ce regard de "candide" que vous portez sur le 9e art vous a-t-il servi, au début d’un Monde de Bulles, à donner un ton « grand public » à votre approche ?

J-Ph.L : Je suis très loin d’être un spécialiste et tant mieux ! Cette émission c’est pour ceux qui sont fous de bande-dessinée, comme pour ceux qui la rejettent. Je reçois donc des auteurs qui vendent des millions d’albums, comme d’autres qui n’en vendront jamais. L’important c’est de faire découvrir des œuvres, des talents, des types seuls au monde devant leur page blanche et qui vous propose des livres exceptionnels. Je ne peux pas passer à côté de ça, même si ça n’intéresse quasiment personne.

Comment les éditeurs, les auteurs et spécialistes BD ont-ils réagi lors de vos prises de contact pour vos premières émissions ? Et aujourd’hui quels sont vos rapports avec eux ?

J-Ph.L : Au début, tout le monde rigolait, personne ne croyait à une émission TV et encore moins sur Public Sénat. Je mets quand même un bémol puisque les éditions Delcourt m’ont tout de suite aidé ! Six ans après, tout est simple et facile, je demande les auteurs qui m’intéressent et ils viennent sur mon plateau. Je les fais aussi déplacer en province sur des lieux thématiques, la vie est belle au pays d’un monde de bulles.

Les auteurs BD ont la réputation d’être des personnages "taciturnes" ou simplement "réservés" qui préfèrent l’ombre aux lumières des projecteurs. Vous a-t-il été difficile d’approcher certains d’entre eux ? Si oui lesquels (si vous souhaitez les citer) ?

J-Ph.L : A part Robert Crumb qui n’aime pas trop les médias et encore moins la télévision, je n’ai jamais eu de refus. Certains auteurs sont timides ou considèrent la télévision comme le niveau zéro du journalisme, c’est là que je dois jouer un rôle important. Il faut mettre en confiance l’auteur, lui faire comprendre qu’on a lu son travail et que sa présence n’est due qu’au fait que j’ai aimé ce qu’il a fait. Les bande-dessinées que je n’aime pas, je ne reçois pas leurs auteurs, c’est comme ça.

Quels sont les moments qui vous auront le plus marqué ? Rencontres d’auteurs, expériences cocasses…

J-Ph.L : Plus de 1500 interviews, des milliers de kilomètres en TGV, avion, voiture, et des aventures hors du commun. Des rencontres en tout premier lieu, comme Tibet, Didier Convard, Bob de Groot, Fabien Nury, mes amis de la Galerie Maghen. Dany et bien d’autres encore tellement humain et formidable. Les tournages ont parfois été hors du commun comme le portrait de l’elficologue Pierre Dubois, un tournage fou, dément... En une journée vous vivez mille vies, c’était dingue ! J’ai parfois interrogé des auteurs japonais qui me répondaient que par oui ou non, au montage c’était un peu compliqué… J’ai surtout eu la chance d’aller chez Albert Uderzo, d’interviewer Will Eisner, de parler de longues heures avec Jodorowsky, Gotlib, Bilal… Bref, que du bonheur !
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Voir l'émission Un Monde de Bulles :

Sur la chaîne Public Sénat (TNT) : Diffusion initiale le vendredi à 23h00. Rediffusions le samedi à 16h30 et le dimanche à 11h30.

Sur Internet : à visionner gratuitement et
directement sur le site de Public Sénat.

Parution initiale de l'article : le 2 juillet 2010

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