mardi 21 août 2012

Paradigme Cromwell : le temps une constante variable

De son passage à l'Ecole des Gobelins à Paris à l'Atelier Azylum, retour sur le parcours et la bibliographie de l'auteur de bande dessinée Didier Cromwell.


Anita Bomba T4 - La vie est trop courte
Cromwell - Gratien - Ed Casterman 
Si comme le dit Cocteau "le temps des hommes est de l'éternité pliée", Didier Cromwell le déploie, l'étire en le vivant toujours avec l'intensité de l'enfant qui le fait sien. Heure, jours, mois, années, ce temps qui passe semble ne pas compter pour lui comme aux yeux de tout un chacun. Vif et rapide quand il le veut, il sait aussi surtout le suspendre à sa manière. Quand il parle de ses premières armes dans la bande dessinée, on sent un présent toujours vivant.

Quand Didier devient Cromwell

Après quelques années dans le corps des Para au poste de sergent, il choisit d'entrer à l'Ecole des Gobelins de Paris. Alors qu'il est encore étudiant, au moment de signer sa première commande professionnelle (
l'affiche d'un festival de rock) il hésite sur la signature à apposer. Ce choix de carrière est le sien, et comment l'assumer pleinement sinon en adoptant un nom d'artiste ?






Didier ne s'embarasse pas de poésie inutile, son regard s'arrête sur son casque de moto posé près de la table à dessin. Il signe Didier "Cromwell". En reprenant la marque de cet accessoire il est peut-être déjà conscient que le dessin comme la moto sont tout deux grisants mais risqués. Prémonitoire ou non ce choix, tel un catalyseur, va lancer sa carrière et donner le ton sulfureux de ses créations futurs.

L’heure des premières armes : L’atelier Azylum

De ses années parisiennes à l'Ecole des Gobelins, qui forme aujourd'hui nombre des candidats en poste dans les plus illustres studios d'animation, Didier Cromwell ne gardera pas uniquement les fruits d'une formation solide. C'est aussi entre ces murs qu'il fait des rencontres qui vont compter tout au long de sa carrière.

Fraîchement diplômé de l’école de renom en 1984, il n’a que 24-25 ans quand il fonde l’Atelier Azylum, avec Riff Reb’s et Arthur Qwak rencontrés durant sa formation. C’est au cœur des années 80, décennie qui ouvre le 9e art à un lectorat plus adulte, que Didier Cromwell participe à la fois à la réalisation d’animations (Les Mondes Angloutis) mais rêve déjà de bande dessinée au milieu de ce groupe d’amis, qui tissent les bases de solides collaborations.

1985 : lancement de sa première série Le Bal de la sueur

Et visiblement ils ne font pas que rêver à l'atelier ! Un an plus tard, en décembre 1985, paraît le premier tome de la série au ton déjanté et provocateur "Le Bal de la Sueur" (première édition chez EDS) avec ses complices Riff Reb’s, Edith, et Raph. Ce premier tome interpelle très vite les professionnels du milieu qui lui décerne le Grand prix de la Critique (ACBD) en 1986.

Durant les années Azylum, Didier Cromwell affirme son goût pour les sujets décalés et l'humour trash. Illustrateur et narrateur, il participe souvent de près ou de loin, à la scénarisation des titres qu’il illustre. Des minettos en passant par Anita Bomba, les femmes y sont alcooliques, violentes ou fourbes, les hommes ne sont guère mieux servis dans la distribution. Du scénario, au dialogue en passant par le dessin, la bibliographie de Didier Cromwell est loin du stéréotype de la BD 'bon enfant' qui colle encore au 9e art durant les années 80-90. A l'évidence, ces premières bandes dessinées n'auraient pas trouver leur place dans la bibliothèque familiale !

Liberté de ton et de style : Cromwell à la rencontre d'un lectorat adulte

Mais Didier Cromwell, en plus de choisir des collaborations audacieuses et décomplexées, n’aura de cesse, côté graphisme, depuis ses débuts, d’affirmer une identité fait d’emprunts multiples. De Franquin dont il apprécie l’efficacité narrative, aux comics américains dont il admire les ambiances graphiques et la bichromie plus sombres, il refuse de se cantonner à faire partie d’une "école".

Il développe, très tôt, un trait énergique et des couleurs franches. S'affranchissant dès le premier album du style ligne claire, qui faisait les beaux jours de la BD franco-belge, il fait partie, dans les années 80-90, des jeunes illustrateurs qui ouvrent la voie vers un style où l'esthétique du trait prend une part active dans la narration.

Du western décalé aux personnages marginaux (Despérados - Les Minettos) , caricaturant parfois avec acidité les mascarades sociales (Le bal de la Sueur - Anita Bomba), Didier Cromwell ne dégaine son crayon et sa plume que lorsque le sujet l'interpelle réellement. Peu versé dans le sujet "vendeur", il ne cède pas aux sirènes d'une carrière facile.

Voici une sélection partielle (et partiale) de la bibliographie de l'auteur

Dans la série "Le Bal de la sueur" (avec Riff Reb’s, Edith, et Raph) :


  • 1er tome "Sergeï Wladi" (1er parution chez EDS en 1985) - Grand Prix de la Critique ACBD en 1986
  • 2e tome "Aaargl !" (Soleil - 1987),
  • 3e tome "Tenu par les Couilles" (Soleil - 2003)
Dans la série "Les Minettos" (Joe Ruffner au scénario) :
  • 1er tome "Desperados", (Soleil - 1989),
  • 2e tome "l'étoile des Rocheuses" (Soleil - 1990)
  • 3e tome "Pour une gorgée de Vulnéraire" (Soleil - 1992),
Dans la série "Anita Bomba" (Eric Gratien au scénario)

  • 1er tome "Robot Schizo - Aussi loin que je me rappelle" (Glénat 1994 - réédition par Drugstore en 2006),
  • 2e tome "La Souffrance rend meilleur - C’est pas parce que je suis pauvre" (Glénat 1995 - réédition par Drugstore en 2006),
  • 3e tome "Le Retour de la misère - Un jour j’ai arrêté de bosser" (Glénat 1996 - réedition par drugstore en 2006),
  • 4e tome "Destination Borderzone - La vie est trop courte" (Glénat 1997, réédition par Drugstore en 2006)
  • 5e tome "Poussière d’ange" (Editions Drugstore - 2006)
Le recueil "Les Univers de Cromwell" paru en 2004, regroupant plus de 60 pages d’illustrations entièrement dédiées à ses univers graphiques (Glénat), viendra saluer son parcours et reconnaître la naissance d'un style singulier qui le distingue parmi les autres. Mais comme, Didier Cromwell est visiblement un homme qui ne renonce à rien, en parallèle de sa passion pour le 9e art, il n'oublie pas son intérêt pour la musique...

"Le paradigme Cromwell", lire le dossier complet :

1er partie :
La longueur égale à la distance parcourue

2eme partie : La masse de l'expérience

3eme partie : Le temps une constante variable

4eme partie :
Le courant électrique, rien ne l'arrêtera

5eme partie : La température égale au tempérament

6eme partie : La quantité de matière du rêve à la réalité

7eme partie : L'intensité lumineuse de l'ombre

Lire la Chronique : "Le dernier des Mohicans" de Cromwell et Catmalou (Soleil Productions - 2010)

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